Alexandra Orlando lors de l'épreuve du ruban aux Jeux du Commonwealth

Imposer son rythme

L’ascension d’Alexandra Orlando

Le mois dernier à Toronto, alors qu’elle prenait une pause de la compétition, Alexandra Orlando a trouvé que l’attitude de ses amis envers elle avait changé. « Ils étaient au petit soin pour moi », a-t-elle dit en riant. Ils lui ont dit qu’ils ne voulaient pas prendre une marche avec elle parce que si elle se tordait la cheville en leur présence, ils ne se le pardonneraient jamais.

Orlando participera bientôt à ses premiers Jeux olympiques. Elle occupe le huitième rang mondial au classement de gymnastique rythmique, un exploit réalisé par peu d’athlètes de l’Amérique du Nord ou du Sud dans un sport largement dominé par les Européens. Les trois médailles d’or qu’elle a remportées aux Jeux panaméricains l’année dernière témoignent de son excellence. Elle a porté le drapeau du Canada à la cérémonie de clôture. L’année d’avant, elle avait gagné six médailles aux Jeux du Commonwealth.

Tout cela ne serait pas assez pour Orlando si elle ne s’était pas qualifiée pour les Jeux olympiques, ce qu’elle a fait aux Championnats du monde de 2007. Orlando ne se serait jamais arrêtée si elle n’y avait pas réussi. Personne ne symbolise mieux la passion olympique que la plus grande gymnaste rythmique du Canada.

Elle a un rire nerveux. « C’est un peu irréel. Huitième au monde avec le potentiel d’aller encore plus haut – je suis à la fois nerveuse et contente. Cela fait plus de 20 ans qu’aucune gymnaste de l’Amérique du Nord ou du Sud ne s’est classée parmi les 10 premières. C’est quelque chose! »

En sixième année, Orlando a abandonné le soccer pour se concentrer sur la gymnastique. « J’étais la plus heureuse au gymnase », dit-elle. « J’étais impatiente de m’y rendre et je ne voulais jamais partir. Un professeur de ballet a suggéré que sa souplesse et son énergie conviendraient mieux à la gymnastique rythmique, un sport totalement inconnu pour elle. Quant aux Jeux olympiques, c’est une autre histoire.

« J’aime les Jeux olympiques depuis que je suis petite. Nous avions l’habitude d’enregistrer les Jeux olympiques sur notre magnétoscope, et même les cérémonies d’ouverture et de clôture; ma famille aime les sports ». L’amour d’Orlando pour les Jeux olympiques, combiné à ses talents en gymnastique ont nourri son esprit de compétition, et ce, même à l’âge de 10 ans, lorsqu’elle s’est classée quatrième à sa première rencontre nationale. « J’ai vu les filles qui avaient fini avant moi, et je voulais les dépasser, devenir numéro un. »

À 13 ans, après avoir gagné des compétitions au niveau junior au Canada et sur la scène internationale, une entraîneure lui a dit qu’elle avait le potentiel pour participer aux Jeux olympiques. « Cela m’a frappée », a-t-elle dit. « J’ai toujours su que je participerais aux Jeux olympiques dans quelque chose. J’ai réalisé que la gymnastique rythmique était tout ce que je pouvais faire ».

Un programme de gymnastique rythmique comprend quatre éléments obligatoires, et son exécution doit se faire avec une facilité et une grâce apparentes. Orlando doit réaliser des sauts, des pivots (l’un d’entre eux exige qu’elle fasse sept tours sur la pointe des pieds), rester en équilibre et effectuer des mouvements qui démontrent sa souplesse. Les gymnastes doivent s’exécuter au son de la musique, c’est un sport artistique. Orlando doit être en parfait synchronisme avec l’engin (ruban, ballon, etc.) tout en exécutant des rouleaux et autres figures. Pendant toute la présentation de son programme, elle doit éviter les pénalités, comme laisser le ruban de toucher le sol ou une partie de son corps.

« Il y a tellement de choses que j’aime à propos de ce sport. Il y a tant de choses qui en font partie », a déclaré Orlando. « C’est pour cela que je l’aime. Il combine l’acrobatie, la gymnastique, la danse et les engins. Il exige une grande concentration et de la confiance en soi. » – Orlando a ajouté que dans son sport, la force mentale compte pour 80 p. cent, en plus d’être exigeant sur le plan physique. « Il n’y a pas beaucoup de gymnastes. Il n’y en a pas beaucoup dans le monde qui ont le potentiel d’aller aux Jeux olympiques. »

Orlando a raté de peu sa qualification pour les Jeux olympiques de 2004, une expérience qui a « changé sa vie », d’après elle. Jusque-là sur une pente ascendante, s’étant classée deuxième au Canada à sa première année chez les seniors, elle s’était sentie invincible. Lorsqu’elle a raté sa qualification de peu, elle a été très déçue, et elle se posait des questions sur son avenir. Quelques mois après avoir « remis ses idées en place », Orlando est revenue au gymnase et s’est poussée encore plus.

Grâce à cette détermination renouvelée, elle a remporté un nombre record de médailles d’or aux Jeux du Commonwealth et aux Jeux panaméricains ainsi qu’une neuvième place aux Championnats du monde de l’année dernière. Ce fut le meilleur moment de sa carrière. Orlando a dit que le classement mondial est très serré, particulièrement entre le 10e et le 30e rang. Toute erreur en compétition peut faire glisser une gymnaste de 12 places. « C’est l’essence de la compétition, il faut pouvoir faire face à la pression. Je ne pensais jamais faire partie des 10 premières, je pensais seulement me tailler une place parmi les 20 premières et me qualifier pour les Jeux olympiques. Je n’oublierai jamais le tableau de pointage de ce jour-là. »

À présent, elle dit que son plan de match a changé. Orlando et son entraîneure ont augmenté le niveau de difficulté de ses programmes, ajouté deux nouvelles épreuves, conçu un nouveau programme et mis en œuvre un plan pour qu’elle soit à son sommet en août. Même si elle maîtrise tous les engins, le point fort d’Orlando est le ruban. Il montre mieux ses pivots et les autres mouvements que les autres gymnastes ne tentent pas.

Elle est maintenant dans le dernier droit de sa préparation et se pousse « plus fort qu’elle ne pensait jamais pouvoir le faire ». Son programme d’entraînement est intense, et ce, depuis le début de l’année. Elle concourt sur le circuit de la Coupe du monde en Europe contre les meilleurs gymnastes, s’entraîne avec son entraîneure, avec qui elle travaille depuis 10 ans, en Espagne, entre les compétitions. Une semaine typique d’entraînement : six heures de gymnastique par jour, ballet deux fois par semaine pendant 90 minutes, entraînement cardiovasculaire et musculation chaque jour.

Orlando a dit que les 20 premières gymnastes rythmiques au monde ne sont pas très amicales les unes avec les autres. « Certaines filles sont même très indifférentes », a-t-elle déclaré. « Vous devez vous battre pour avoir une place dans la zone d’entraînement. Elles ne vont pas bouger le petit doigt pour vous. Si vous vous faites mal, aucune ne dira qu’elle est désolée ou ne vous demandera si tout va bien. »

Orlando semble parfaitement capable de leur tenir tête. Elle dit que dès qu’elle met les pieds dans un gymnase, elle devient « très différente ». Pas d’échauffement en compagnie de ses amies. Pas de bavardage. C’est chacune pour soi. Le feu de la compétition s’allume chez Orlando. « Je deviens sérieuse et je suis exigeante avec moi-même », a-t-elle dit en souriant. « Je sais, je veux être parfaite. »