Quand l’art et le sport se rencontrent
Paillettes et beaux sourires. Musique et maquillage. Ce n’est pas d’hier qu’on croit que si c’est joli, ce n’est pas du sport.
Permettez-moi d’être en désaccord.
Si les patineurs artistiques, les nageuses synchronisées et les gymnastes rythmiques se battent tous les jours contre ce préjugé, c’est justement parce qu’ils s’appliquent à ce que leur sport ait l’air facile. Au lieu d’avoir l’air exténué, ces athlètes expriment toute la gamme des émotions. Rares sont les amateurs de sports conscients du travail physique de ces athlètes, en plus de la capacité mentale hors du commun nécessaire pour mémoriser des chorégraphies complexes et exécuter des figures exceptionnelles afin de se mettre au service de l’art.
Parlons tout d’abord de patinage artistique :
C’est facile de ne pas s’intéresser à un sport sous prétexte que le système de pointage est trop compliqué (il ne l’est pas, mais j’y reviendrai une autre fois). Vous ratez malheureusement l’occasion d’apprécier des programmes de patinage artistique plus complets qui demandent davantage de force physique et d’endurance qu’il y a quelques années.
La combinaison de sauts de Patrick Chan est sensiblement la même que celle des meilleurs patineurs du début du millénaire, et elle comprend des quadruples triples sauts (sept ahurissantes rotations en deux secondes). Sauf qu’aujourd’hui, il n’y a plus une seconde de repos ou de temps perdu dans un programme libre de quatre minutes et demie. Les entrées élaborées ont remplacé les longues préparations. Les simples enchaînements de pas sont maintenant deux fois plus longs et beaucoup plus techniques, divertissants et coordonnés avec la musique. Les patineurs dépensent plus d’énergie, mais ils doivent en garder pour les sauts qui rapportent davantage de points.
Et n’allez pas croire que les patineurs peuvent se débarrasser des sauts au début du programme. Ce n’est plus une option depuis que les juges accordent des points bonus pour les sauts effectués après la première moitié du programme. Bon nombre de patineurs réservent maintenant les sauts pour la fin de leur programme, quand la fatigue se fait sentir.
Qu’en est-il de la danse sur glace où il n’y a même pas de sauts? Il y a encore moins de pauses dans les chorégraphies de danse sur glace que dans les chorégraphies individuelles ou en couple. Ce sont quatre minutes de mouvement ininterrompu où les patineurs doivent utiliser leurs genoux et leurs carres pour accélérer et exécuter des portées complexes. Oh et n’oubliez pas l’émotion!
Ne dites jamais aux patineurs artistiques qu’ils ne sont pas des durs. Seriez-vous capable de terminer un programme après avoir reçu un coude de votre partenaire pendant la première figure qui vous a laissé le nez brisé et en sang? C’est ce qu’ont fait Meagan Duhamel et Eric Radford lors des Championnats du monde de 2011. Déclarer forfait leur aurait coûté des points, alors ils ont pris sur eux et continué pendant deux minutes et demie.
« Je vois, je respire, je ne suis pas à l’article de la mort. Je vais finir le programme et je m’en occuperai après », s’est dit Eric Radford sur le coup.
Ce n’est pas sans raison qu’on a comparé le programme long en patinage artistique à courir un 1500 haies en gardant le sourire.
Qu’en est-il de la nage synchro?
C’est l’un des sports dont il est le plus facile de se moquer. Parlez-en à Martin Short.
Mais ce n’est certainement pas un des sports les plus faciles à pratiquer. Marie-Pier Boudreau-Gagnon en sait quelque chose :
« Essayez de faire du vélo et d’accélérer votre rythme cardiaque jusqu’à 170 battements et puis toutes les dix secondes, retenez votre souffle et sprintez. Prenez ensuite une respiration et retenez-la pendant encore dix secondes en sprintant. Venez me dire comment vous vous sentez après 3 minutes et 30 secondes. Si vous arrivez à sourire entre les respirations, vous commencerez à comprendre à quoi ressemble la nage synchro. »
Il faut beaucoup de courage pour continuer à pratiquer un sport qui, au début, donne l’impression de se noyer. Toutes les nageuses synchronisées doivent d’abord vaincre le sentiment naturel de panique qu’elles éprouvent en passant de longues périodes sous l’eau. Toutes les athlètes admettent avec franchise avoir été sur le point de s’évanouir, mais que maintenant, elles n’ont aucun problème à rester submergées pendant 25 secondes. Elles sortent ensuite la tête quelques secondes pour respirer et retournent sous l’eau.
Pensez seulement à la force qu’il faut pour projeter une coéquipière dans les airs avec rien d’autre pour s’appuyer que de l’eau. Et pas question de toucher au fond de la piscine.
La télévision ne rend pas justice au travail de ces athlètes. Elles ne sont pas immobiles dans la piscine. Elles doivent constamment être en mouvement. Comme la partie immergée de l’iceberg est la plus grosse, c’est aussi sous l’eau que le plus gros du travail s’effectue en nage synchronisée. Mais nous ne voyons rien. C’est là que les pieds, les genoux, les épaules et les coudes se heurtent pendant que l’équipe se coordonne pour réussir ses magnifiques portées. Aussi violent que le water-polo sous l’eau et aussi gracieux que la danse en surface.
La gymnastique rythmique :
Ce n’est pas seulement de la danse avec des rubans.
Will Ferrell est loin d’être le meilleur ambassadeur de la gymnastique rythmique.
C’est un sport qui exige force, endurance, flexibilité et dextérité. Mais ne pensez pas que les gymnastes n’ont qu’une seule technique à perfectionner. Chacun des quatre engins – le ruban, le cerceau, le ballon et les massues – nécessite une variété d’ajustements.
Prenons le ruban qui est le premier engin qui nous vient à l’esprit quand on pense à la gymnastique rythmique. Il s’agit d’un ruban de satin long de six mètres attaché à une baguette de 60 cm qui doit toujours être en mouvement. Pendant que la gymnaste tournoie, saute et culbute, les muscles de son bras et de son épaule travaillent constamment pour empêcher le ruban de s’emmêler, de faire des nœuds ou de tomber sur le sol.
Si la coordination revêt une importance particulière au baseball et au football, elle est vitale en gymnastique rythmique où les engins sont lancés haut dans les airs et rattrapés à l’aveugle après l’exécution de plusieurs figures.
Les joueurs de basketball peuvent dribler et faire tourner un ballon sur un doigt. Bravo. Mais peuvent-ils le faire en même temps qu’un renversement arrière?
Arriver à manier un engin, c’est bien, mais deux c’est mieux.
Les gymnastes doivent avoir la grâce et la souplesse d’une ballerine avec la précision d’un tireur d’élite. Elles doivent être suffisamment flexibles pour faire un grand écart à plus de 180 degrés. Elles ont aussi besoin de force et de contrôle pour se tenir en équilibre sur une jambe en tenant l’autre au-dessus de leur tête.
Il faut également une bonne dose d’endurance pour exécuter quatre programmes d’une minute et demie. Mais elle n’exécute pas les quatre programmes qu’une seule fois. Les meilleures gymnastes doivent être au sommet de leur art pendant les qualifications, le concours général individuel et la finale aux engins.
Avec le sourire aux lèvres, bien entendu.