Après avoir frôlé la mort, Denny Morrison prend du mieux
« Respire, respire »
C’est ce qu’ont répétés les ambulanciers, le 7 mai, à l’olympien Denny Morrison après que sa motocyclette a heurté une voiture qui tournait à gauche, dans une intersection de Calgary.
Dans les photos, de gros morceaux de métal et de plastique entourent la carcasse éventrée de la moto de Morrison. C’est comme si elle avait été passée dans un mélangeur géant. Plus tard, les pompiers dépêchés sur les lieux ont supposé qu’ils devaient nettoyer le site d’un accident de moto mortel.
Denny Morrison aurait pu mourir.
Deux choix
À peine 14 semaines plus tard, Morrison était assis dans les gradins de l’Anneau olympique de Calgary, fixant du regard la fameuse piste où il s’est entraîné pour ses deux dernières médailles olympiques. C’est un samedi tranquille et un match d’exhibition est sur le point de commencer.
« Chanceux ou victime. Que choisir? », déclara-t-il en parlant de son corps meurtri. Parmi les neuf blessures les plus importantes qu’il a subies, les médecins lui ont dit que la fracture du fémur droit, les lésions au foie et aux reins, ainsi que la perforation du poumon, pourraient chacune mettre sa vie en danger. Il a également eu la colonne vertébrale fracturée, le ligament croisé antérieur déchiré et le coude brisé en plus d’une commotion cérébrale.
« Je me suis réveillé à l’hôpital et je n’avais aucune idée de ce qui se passait. Cela a pris quelque temps pour que je me rende compte de l’importance de l’accident et de la chance que j’ai d’être ici », a indiqué l’athlète de 29 ans qui a entamé un processus de réadaptation intense quelques jours après que les chirurgiens ont inséré une tige en titane dans sa jambe.
Sa première « séance » consistait à essayer de se tenir debout à l’hôpital. Il a tenu une seconde, avant de replonger dans un sommeil de trois heures.
« Le processus a été long, une petite victoire après une autre », a expliqué Morrison qui devrait laisser tomber ses béquilles après huit semaines au plus tôt. Il patinait avec précaution moins de six semaines après l’accident pour essayer de « battre » son précédent record avec la jambe cassée.
Sa réponse positive semble tellement automatique qu’on pourrait se demander si c’est dans sa nature. Bien sûr, ce n’est pas facile. La première fois qu’il est monté sur un vélo stationnaire 12 jours après l’accident, il a pu atteindre 1 % de la puissance normale. Entre la quatrième et la huitième semaine, il a réappris à marcher en utilisant la technique talon-pointe pour qu’il n’ait pas à boiter pour le reste de sa vie.
Et il a eu beaucoup de temps pour réfléchir. Morrison a visionné des « TED Talks » et a repassé, dans sa tête, les enseignements de David Steindl-Rast sur la gratitude, et cela l’a aidé. « Dans mon cas, c’est le fait d’être couché sur un canapé avec un corps brisé et non dans une morgue », a indiqué Morrison.
« Si l’on considère qu’on est chanceux, c’est qu’on est automatiquement reconnaissant, alors on est automatiquement heureux. » – Denny Morrison
Controverse entourant l’accident
La police n’a pas porté d’accusation, ni contre Morrison ni contre la conductrice du véhicule. Il est vrai que la voiture a été renversée durant l’accident, ce qui a mené au commentaire initial de la police à savoir que Morrison allait au-delà des limites de vitesse et à un grand titre dont Morrison a dit que ce n’était pas son article préféré parmi ceux qui ont été écrits sur lui.
Incapable de se rappeler l’accident, et n’ayant que les reportages des médias sur lesquels s’appuyer, Morrison a essayé de trouver une explication et s’est demandé à quel point il avait tout gâché. Les médias locaux ont plus tard clarifié leurs premiers rapports. Patinage de vitesse Canada a également annoncé que Morrison n’avait reçu qu’une amende de 155 $ pour avoir traversé une intersection sous un feu jaune. Les deux passagères de l’auto n’ont pas été hospitalisées.
À présent, Morrison collabore avec sa compagnie d’assurance, à laquelle, selon lui, plusieurs témoins ont indiqué qu’il roulait à une vitesse normale conformément au flux de la circulation. Il pense que cela pourrait prendre des années avant que ce dossier ne soit réglé.
La retraite se conjugue au passé
Le quadruple médaillé olympique a patiné plusieurs fois depuis le 7 mai. Récemment, il a même pu suivre d’autres patineurs de calibre mondial et patiner pendant neuf minutes à la vitesse d’entraînement. Ensuite, il a dormi pendant quatre-vingt-dix minutes.
L’effort physique l’épuise encore. Les mouvements de base sont encore pénibles. Son défi actuel est de renforcer son muscle vaste interne oblique, situé près du genou. Même s’il a été ajouté à l’équipe de longue piste pour la saison prochaine, il pourrait ne pas concourir. Les départs explosifs lors des courses semblent bien loin en ce moment.
Mais il est prêt à faire le chemin nécessaire pour y parvenir.
« Je dois me remettre de cette blessure et revenir, et je suis très motivé », affirme-t-il. Avant l’accident, les gens lui suggéraient la retraite en plaisantant, et Morrison n’en tenait pas compte et leur répondait qu’il aimait le patinage de vitesse, mais il admet qu’il y a pensé : « Dans ma tête, je me disais qu’ils avaient peut-être raison et qu’il était temps de passer à autre chose. »
Pour le moment, le prochain événement d’envergure est PyeongChang 2018, et cela semble à des années-lumière. Le champion olympique n’a pas dit de façon catégorique qu’il ne conduirait plus jamais une moto de sa vie, voici plutôt ce qu’il nous a confié : « On ne peut laisser nos peurs nous imposer des limites pendant toute notre vie, il suffit de les connaître, d’être au courant des risques et de les gérer ». Si on veut faire une comparaison avec le patinage de vitesse, il y a des chances qu’il revienne également à son amour de la moto.
Et maintenant, il a une autre histoire à raconter.
« Je me souviendrai que je me suis battu pour ma vie et que tout ce que j’avais à faire était de respirer, et maintenant, lorsque je participerai à une course et que mes jambes commenceront à me brûler… et que je respirerai fort, je me dirai que tout ce qu’il faut faire, c’est de respirer », a conclu Morrison.