Maxime Dufour-Lapointe – Sois olympique
Voici, dans ses propres mots, ce que Sois olympique signifie pour Maxime Dufour-Lapointe.
Mes sœurs sont revenues des Jeux olympiques de Sotchi avec des médailles. Pas moi.
Depuis, on me demande une variante de la même question à chaque entrevue : « Qu’est-ce que ça faisait de les voir sur le podium quand tu aurais voulu y être aussi? Étais-tu jalouse? »
Ma réponse est toujours la même : j’étais très, très contente et très, très fière d’elles. Il y a certainement des sceptiques, mais c’est la vérité!
Je n’étais peut-être pas sur le podium des Jeux olympiques avec Justine et Chloé à Sotchi, mais j’étais heureuse de célébrer leur victoire. C’est un moment partagé parce qu’on s’est entraînées ensemble pour se rendre jusque-là. Elles réalisaient leur rêve, et parce que je suis leur sœur, c’était mon rêve à moi aussi.
Sois olympique, qu’est-ce que ça signifie? Pour moi, c’est ma famille et mes sœurs. C’est savoir qu’on est toujours là pour les autres et qu’on est un peu plus fortes. Avoir un but commun donne une certaine force. Je pense que c’est vrai pour tout le monde et pas juste dans le sport.
Beaucoup de gens pensent qu’on devrait être en compétition : la bonne vieille rivalité fraternelle. Je suis sûre que tout le monde ne s’entend pas bien avec ses frères et sœurs et ça m’est arrivé à moi aussi. Ma mère m’a raconté qu’à la naissance de Chloé, j’ai demandé à mes parents de la ramener à l’hôpital. Je n’étais pas très contente de devoir partager l’attention avec elle.
Ils ne m’ont évidemment pas écoutée, et Justine est arrivée trois ans plus tard. On a appris à s’entendre.
Enfants, nous faisions du ski l’hiver et de la voile l’été. Ça a eu une grande influence sur nous. Ceux qui sont montés à bord d’un voilier savent que c’est très petit. Nous devions être très créatives. On n’avait pas beaucoup de jouets alors on créait des vêtements en papier et on cousait des vêtements pour nos poupées. C’était plaisant de vivre ensemble, mais en même temps, il n’y avait nulle part où aller quand on se chicanait. S’enfermer dans la salle de bain? Sauter par-dessus bord? Oubliez ça, nos parents seraient venus nous chercher. Nous n’avions pas d’autre choix que de trouver une solution et de régler nos conflits.
Notre unité vient de notre éducation, des valeurs de notre famille, de la façon dont nous avons appris à vivre ensemble sur le bateau et de notre choix de nous présenter comme un trio. Comme n’importe quelles sœurs, on se chicane. On est différentes et ça crée parfois des conflits, mais nous sommes capables de résoudre nos problèmes. Nous avons aussi appris quelles sont nos différences et nos forces. Nous les partageons et ça nous rend plus fortes.
C’est peut-être parce que je suis l’aînée, mais j’ai toujours été fière de mes sœurs. Depuis qu’elles sont toutes petites, elles essaient de me suivre sur les pentes. C’est moi qui ai décidé de faire du ski de bosses et elles s’y sont mises aussi.
À un certain point, quand l’âge a cessé d’avoir de l’importance, elles m’ont rattrapée et nous sommes devenues des coéquipières et des rivales, mais dans le bon sens du terme. Nous nous entraînons ensemble, nous sommes colocataires et nous nous aidons à nous améliorer. Nous repoussons nos limites et nous apprenons les unes des autres.
Quand Chloé s’est qualifiée pour Vancouver 2010, nous sommes allées la voir. Elle a terminé cinquième. Ça m’a donné le goût d’aller aux Jeux olympiques moi aussi. C’est à ce moment que j’ai réalisé l’essence des Jeux. Ils ont le pouvoir de faire ressortir le meilleur de l’humanité et de rassembler les gens de partout. J’ai eu envie de faire partie de ce mouvement inspirant.
Je me rappelle d’avoir pensé « Mon Dieu, je manque quelque chose. Je veux en faire partie! », en regardant Chloé pendant le défilé des vainqueurs à Montréal après les Jeux olympiques de Vancouver.
Nous avons fait le chemin de Vancouver à Sotchi ensemble, et nous avons rencontré plusieurs défis sur la route.
Un de mes plus grands revers est d’avoir été recalée au circuit Nor-Am en 2011 en raison de mes performances décevantes en Coupe du monde. J’ai vécu un moment très difficile et émotif, mais ça m’a permis de me rappeler pourquoi j’aimais la compétition. J’ai recommencé à monter sur le podium et à la fin de la saison, j’étais de retour au sein de l’équipe nationale. Les moments difficiles m’ont appris des leçons très précieuses qui m’aident à grandir et avec le recul, j’en suis très reconnaissante.
J’ai été la dernière des trois à me qualifier pour les Jeux de Sotchi et pour obtenir la dernière place dans l’équipe canadienne, j’ai dû donner les meilleures performances de ma carrière. Certains pensaient que je n’étais pas capable, mais honnêtement, je n’ai jamais douté de moi. Le déclic s’est produit à la fin de la saison 2012‑2013. J’avais hâte de montrer au monde entier de quoi j’étais capable et j’ai réussi. Le parcours pour me rendre jusqu’aux Jeux olympiques a été enrichissant. Ma médaille d’or, c’est d’être allée aux Jeux et d’y être allée avec mes sœurs, c’était un rêve qui se réalisait. C’est plus gros que tout ce que nous avons vécu jusqu’à maintenant et je pense que c’est important que nous soyons ensemble.
Le site était plus gros que d’habitude, mais nous n’avons pas changé notre entraînement ou notre façon d’être. Nous avons l’habitude d’être là l’une pour l’autre et le soutien fait toute une différence. À cause de ça, nous avons gardé les pieds sur terre et nous étions détendues. Nous nous sentions comme à la maison.
Nous étions aussi heureuses que nos parents, Johane et Yves, soient aux Jeux. Quand nous étions adolescentes, ils ont fait le taxi et ils nous ont suivies partout dans le monde pour les compétitions d’élite. Si ce n’était pas de nos parents, nous ne serions pas ici aujourd’hui. Ils ne diront jamais qu’ils ont fait des sacrifices pour nous; ils ont fait des choix pour passer plus de temps avec leurs enfants. Après ma douzième place à Sotchi, alors que mes sœurs montaient sur le podium, ils m’ont pris dans leur bras et m’ont dit qu’ils étaient fiers de moi. C’était mon vingt-cinquième anniversaire de naissance.
Après les Jeux, nous avons fait la tournée des médias toutes les trois à Toronto, Vancouver et au Québec. Nous avons aussi eu des rôles dans la version française du film Les avions : Les pompiers du ciel. Nous étions toujours toutes les trois. J’ai été traitée comme une championne, comme mes sœurs. Dans la tête des autres, il n’y a aucune différence et je suis très reconnaissante du respect qu’on me porte. Ça m’a surprise un peu, quand même. C’est aux Jeux qu’on a commencé à me reconnaître, même si je n’étais pas sur le podium. C’était seulement la pointe de l’iceberg.
Je ne changerais rien à mon expérience olympique. Je suis fière que mes sœurs aient atteint leurs buts. J’ai réalisé mon rêve, être une athlète olympique, et je sais que j’ai tout fait pour livrer ma meilleure performance. Je suis contente de moi, je suis en paix et mes sœurs ont fait quelque chose de complètement fou. C’est le symbole de notre unité et de notre travail commun. C’est un bon exemple de ce que c’est, être olympique.
Je nous vois toutes comme des championnes et après les Jeux, je me suis dit que je pouvais apprendre des deux meilleures au monde.
Nous essayons de profiter à fond de cette période de notre vie et de vivre le moment présent.